Les HMO sont les mets privilégiés de bactéries bénéfiques
La grande majorité des HMO ingérés ne sont pas digérés dans l'intestin et peuvent ainsi atteindre le gros intestin intact où ils constituent, entre autres, un élément nutritif de choix pour certains de nos hôtes microscopiques. Les HMO stimulent donc la croissance sélective de certaines bactéries et influencent fortement la composition du microbiote intestinal.
Les Bifidobacterium, en particulier Bifidobacterium infantis, sont particulièrement sensibles aux HMO, au point qu’ils ont une séquence génomique dédiée à leur métabolisme et interactions. Cette capacité à métaboliser les HMO n'est pas présente dans toutes les bactéries, mais observée chez B.infantis ainsi que Bifidobacterium bifidum, Bacteroides fragilis et Bacteroides vulgatus.
2’FL et les infections à Campylobacter
Les HMO favorisent non seulement un microbiote intestinal sain, mais ont également des propriétés antimicrobiennes directes. Les modèles animaux rejoignent les études observationnelles chez l’homme à ce sujet. Si les HMO 1,2-fucosylés inhibent les infections à Campylobacter jejuni chez la souris, le pourcentage de 2’FL dans le lait maternel est inversement proportionnel aux taux de diarrhée à C. jejuni observé chez le nourrisson.
La pathogénie de l’entérite après une exposition à C. jejuni est bien connue : la bactérie adhère de préférence à la couche de mucus de l'intestin grêle, certaines souches peuvent même s'attacher directement aux cellules épithéliales intestinales, ce qui entraîne une invasion bactérienne, une translocation et une bactériémie. Et comment les HMO pourraient-ils interférer ? Bon nombre d’études in vitro, ex-vivo et animales permettent de construire un mécanisme probable d'inhibition compétitive par le 2’-FL de la liaison de C. jejuni aux antigènes du groupe histo-sanguin H-2 présents sur nos cellules épithéliales intestinales. En inhibant cette liaison, le 2’-FL, HMO le plus abondant du lait maternel, empêche l’invasion des cellules épithéliales de manière dose-dépendante.
A ce jour, il n’existe aucune preuve directe provenant d’essais cliniques sur l’homme pour valider cette hypothèse. Cependant, une fois de plus, l’épidémiologie vient au secours des cliniciens. En effet, on observe une diminution de l'incidence de la diarrhée associée à Campylobacter chez les nourrissons de mères ayant une proportion plus élevée de 2′-FL dans leur lait. Observation n’est pas causalité, mais cet élément se rajoute à la longue liste concordante.
D’autres preuves du rôle anti-microbien des HMO
Les HMO ont également récemment démontré avoir des propriétés antimicrobiennes contre certains streptocoques [streptocoque du groupe B (SGB)], le staphylocoque doré et les Acinetobacter baumannii en augmentant la sensibilité de ces bactéries à plusieurs antibiotiques, en particulier aux antibiotiques auxquels ils ne sont généralement pas sensibles.
Dans l'ensemble, on pourrait conclure que les HMO offrent une certaine protection aux nourrissons contre les agents pathogènes bactériens.
Les HMO contre le rotavirus, le VIH ou encore la grippe
Pour les attaques virales, les arguments sont encore plus évidents. Si les mécanismes de protection contre les invasions sont multiples, plusieurs études in vitro et in vivo ont permis de mieux identifier les propriétés antivirales des HMO.
Le rotavirus est la cause la plus fréquente de diarrhée sévère dans le monde et représente 5% de tous les décès chez les enfants de moins de 5 ans. In vitro, 2′FL, 3′SL et le 6′SL réduisent l'infectivité du rotavirus humain et la supplémentation en 2′FL, LNnT, 3′SL et 6′SL inhibe la réplication du rotavirus dans l'intestin.
Dans le monde occidental, la présence du VIH est considérée comme une contre-indication à l'allaitement, à respecter de façon stricte. Mais, dans les pays où l'accès à l'eau potable est difficile voire impossible, l’allaitement maternel est considéré comme l'option la plus sûre pour l’alimentation des nourrissons en raison du manque d'alternatives nutritionnelles moins risquées. Et la réalité de ces nourrissons a de quoi surprendre. En effet, si l'allaitement maternel est la principale voie de transmission postnatale, de nombreux nourrissons allaités par des mères contaminées s’en sortent indemnes et ne contractent pas la maladie.
L’une des explications données est que certains HMO se lient à la glycoprotéine de surface du VIH, gp120, et en diminuent l’infectivité. C’est ainsi que pour les mères infectées par le VIH, des concentrations plus élevées de LNnT sont considérées comme diminuant le risque de transmission lors de l’allaitement, alors que des concentrations plus élevées de 3′SL ont un effet inverse. D’autres HMO ont un effet plus général, par exemple les HMO fucosylés sont associés à une diminution de la mortalité chez les nourrissons non infectés (mais fragilisés) dont la mère est séropositive.
Par rapport au HIV, la grippe se trouve sans doute à l’autre extrémité du spectre des infections virales. Et là aussi les HMO ont montré, en laboratoire, des effets protecteurs. 6′SL et LNnT réduiraient significativement la charge virale dans les lignées cellulaires épithéliales des voies respiratoires.
Conclusion
L’action des HMO va bien au-delà de ces actions directes contre les bactéries et les virus. Ils ont un rôle clé dans la maturation intestinale principalement à travers l’augmentation ou la diminution de la perméabilité intestinale. Une perméabilité élevée rend les nouveau-nés plus sensibles aux infections entériques, aux inflammations et sans doute aussi à certaines allergies. Les HMO jouent aussi un rôle important dans l'amélioration du système immunitaire à la fois local et systémique.
Référence
• Role of Human Milk Bioactives on Infants’ Gut and Immune Health, Laura E. Carr et al www.frontiersin.org 1 February 2021 | Volume 12 | Article 604080