COVID et stress : plus qu’une évidence
L’impact de la pandémie sur la santé mentale est désormais identifié et reconnu, archi-publié, même si l’étendue des dégâts est loin d’être mesurée. En raison de la propagation soudaine, inattendue et rapide du COVID-19, les familles à travers le monde ont dû apporter de nombreux changements à leurs modes de vie, en réponse aux mesures de distanciation sociales et de fermetures scolaires et sociétales (Gruber et al., 2021). Les parents ont été confrontés à des facteurs de stress uniques, spécifiques au COVID-19, comme la présence permanente des enfants, sans possibilités d’échappatoires sportives ou d’activités parascolaires, stress renforcé par un isolement social et une pression financière accrue pour beaucoup d’entre eux.
Je stresse, tu manges mal
Une équipe américaine a voulu étudier les répercussions de la pandémie sur l’éducation alimentaire des enfants. En effet, un tel stress peut contribuer à augmenter la pression sur la relation parent-enfant, entrainant une détérioration de sa qualité. Cela a pour conséquence directe et paradoxale, une utilisation de comportements moins adaptatifs et emphatiques, notamment dans le champ alimentaire. Hugues et al. (2015) ont imaginé l’explication suivante, somme toute assez intuitive : les parents qui connaissent des niveaux élevés de stress n'ont pas le temps, l'énergie ou la capacité émotionnelle d’adopter des comportements alimentaires optimaux et recourent à la place à des comportements alimentaires stéréotypés et inadaptés, comme l'utilisation de nourriture comme récompense ou la classique « obligation de manger pour être grand » (Gouveia et al., 2019), (Berge et al., 2017).
Autorégulation compromise
Les comportements alimentaires des parents ont des implications importantes sur la santé de leurs enfants, sur leur poids et leur capacité d'autoréguler leur alimentation et « d’écouter les ressentis de faim et satiété » (Faith et al., 2004 ; Frankel et al., 2012). Si les parents n'observent pas les signes d’appel de l’enfant ou n'écoutent pas ses retours sur son sentiment de faim ou de satiété, mais laissent libre cours à des stéréotypes comme la méfiance envers l'appétit réel des enfants, l’utilisation de la nourriture comme récompense ou encore le recours à la pression pour les faire manger (Jansen et al., 2014), le risque est grand de perturber l'autorégulation optimale de l'alimentation des enfants. Ces pratiques non adaptatives sont des tentatives parentales de contrôler extérieurement la ration alimentaire de l'enfant et l'emportent donc sur la capacité des enfants à comprendre et répondre à leurs propres sentiments internes de faim ou de satiété (Daniels et al., 2015). Deux revues systématiques (Faith et al., 2004 ; Hurley et al., 2011) ont ainsi lié ces attitudes imposées à un excès pondéral ou à une obésité infantile.
Et cette étude américaine sur 119 parents d’enfants âgés de 2 à 7 ans a montré des résultats uniformes et clairs : le stress parental lié au COVID était significativement et négativement lié à l'autorégulation des enfants : plus le stress est présent, plus les stéréotypes comportementaux prenaient le pas sur l’empathie et l’écoute de l’enfant. Manque malheureusement à cette étude très intéressante, l’observation directe et à long terme du comportement des enfants, c’est-à-dire leur capacité à réguler leur apport énergétique, ou la mesure de leur poids ou de leur variation pondérale, qui nécessite encore plus de temps.
Conclusion :
Les situations de stress parental influencent considérablement l’éducation alimentaire des enfants, et toute intervention comportementale sur la régulation de l’apport énergétique de l’enfant devrait aussi intégrer une sensibilisation -et idéalement une réduction - du stress parental.
Références :
• The relationship between COVID‑related parenting stress, nonresponsive feeding behaviors, and parent mental health, LA Frankel et al Current Psychology 2021, https://doi.org/10.1007/s12144-021-02333-y